J'ai toujours habité - René-Guy Cadou
J’ai
toujours habité
J'ai
toujours habité de grandes maisons tristes
Appuyées
à la nuit comme un haut vaisselier
Des
gens s'y reposaient au hasard des voyages
Et
moi je m'arrêtais tremblant dans l'escalier
Hésitant
à chercher dans leurs maigres bagages
Peut-être
le secret de mon identité
Je
préférais laisser planer sur moi comme une eau froide
Le
doute d'être un homme. Je m'aimais
Dans
la splendeur imaginée d'un végétal
D'essence
blonde avec des boucles de soleil
Ma
vie ne commençait qu'au delà de moi-même
Ebruitée
doucement par un vol de vanneaux
Je
m'entendais dans les grelots d'un matin blême
Et
c'était toujours les mêmes murs à la chaux
La
chambre désolée dans sa coquille vide
Le
lit-cage toujours privé de chants d'oiseaux
Mais
je m'aimais ah! je m'aimais comme on élève
Au-dessus
de ses yeux un enfant de clarté
Et
loin de moi je savais bien me retrouver
Ensoleillé
dans les cordages d'un poème.
René-Guy
CADOU