Un village - Émile Verhaeren
Un
village
Des
murs crépis, de pauvres toits,
Un pont, un
chemin de halage,
Et le moulin
qui fait sa croix
De haut en
bas, sur le village.
Les appentis
et les maisons
S'échouent,
ainsi que choses mortes.
Le filet dort
: et les poissons
Sèchent,
pendus au seuil des portes.
Un chien
sursaute en longs abois ;
Des cris
passent, lourds et funèbres ;
Le menuisier
coupe son bois,
Presque à tâtons,
dans les ténèbres.
Tous les métiers
à bruit discord
Se sont lassés
l'un après l'autre
Derrière un
mur, marmonne encor
Un dernier
bruit de patenôtres.
Une pauvresse
aux longues mains,
Du bout de
son bâton tâtonne
De seuil en
seuil, par les chemins ;
Le soir se
fait et c'est l'automne.
Et puis
viendra l'hiver osseux,
Le maigre
hiver expiatoire,
Où les gens
sont plus malchanceux
Que les âmes
en purgatoire.
Émile
VERHAEREN