Bois - Pierre Lartigue
Bois
Près du feu, l'oubli des douleurs infectes : je bois des troupes, je bois sec au retour du sommeil, je suis ce cheval au nez blanc qui boit du taffetas, je bois frais sans manger, je bois des chapelles chaudes et des cheveux, des verres d'eau frippée, le soleil des consonnes. Je bois dans les fossés plusieurs brassées de bois et l'oseraie d'Honfleur et les petits quatrains vendus. Visage frotté fibres enchevêtrées je n'achèverai pas la peinture de vos manches, vous qui êtes du bois dont on fait les sabots, les nasses, les fagots, vous, boiserie non peinte - coque vide! - et qui résonne sans écorce à mes gémissements lorsque volant l'amour, j'invente... Et poussent les perdrix des cris bouillants dans les bruyères, les terrains à demi couverts, le genèvriers, garrigue où la nuit craque ainsi qu'un bois de lit, salse pareille, sassafra. Je vous offrirai des tisanes de buis pour dormir dessous, bois joli, bois garou - ô votre sexe de rainette! Marquez mes reins de toute une marquetterie d'ongle et coulez à mon pied écarlate, étroite châtaigne de douceur, petit Phenix pâle qui répand son odeur légèrement amère, bouton d'absinthe, bois d'anis, bois de lessive, bois bracelet, glissez jusqu'à l'oreille du gris, la jambe prise de résine, touffe d'or mangée, gonflée, empesée, mais en sous-bois surtout, car je suis le clinquant qui met le feu aux longs vergers sans fruits.
Pierre LARTIGUE
[Extrait Ce que je vous dis trois fois est vrai, éd. Ryôan Ji]