Avec ce qui commence - Marc Alyn
Avec ce qui commence
Dans cette ville où tout se vend je suis le vent
je suis la marge.
Je vais où m'entraîne le chant. Oiseau libre je
prends le large.
Le verbe est semblable à la mer. Il a le goût salé
des larmes.
Je suis la bouche qui profère au nom des dieux
le sens du drame.
J'ai charge des mots solennels qui aident l'âme
à s'élever.
J'invente s'il le faut le ciel. Je donne à vivre
et à rêver.
Hors ma voix qui vient les fouetter les sons se
suivent se ressemblent :
Sans fin il faut ressusciter ces mots de Panurge
qui tremblent.
Je dis l'amour avec mon sang. L'enfance est un fruit
que je cueille
Parmi les astres éclatants qui la nuit nichent
dans les feuilles.
Tel un changeur les monnaies d'or je pèse et compte
les paroles.
En songe je vais chez les morts chercher mon Eurydice
folle.
Comprenez-vous que dans mon chant ce qui chante
c'est le silence ?
Je n'existe pas à plein temps. Je suis avec ce qui
commence.
Comme un sablier renversé le ciel a glissé dans ma
tête.
Je fais la fête avec les fées. Laissez s'envoler le
poète !
Marc ALYN
Né en 1937, à Reims. Il entre en poésie par un coup d'éclat, recevant à vingt ans le prix Max Jacob. A côté de nombreux ouvrages en prose (critique, roman, théâtre), il fait paraître plus d'une quinzaine de recueils de poèmes qui le situent "au rang des plus grands", selon Alain Bosquet. Prix Apollinaire en 1973 pour Infini au-delà. En 1994, il obtient le Grand Prix de Poésie de l'Académie française et le Grand Prix de Poésie de la Société des gens de lettres pour l'ensemble de son œuvre. Derniers ouvrages parus : Le Dieu de sable, Phi, 2006 ; Les Miroirs voyants, Voix d'encre, 2005.