Les plaisirs du lundi - Irène Frain
Croquer du chocolat
Pour commencer, la dent. Mais comme le chat en maraude, prendre son temps. S'offrir, pour raffiner le plaisir, un détour du côté des narines ; sur la truffe ou le bonbon, humer les arômes du tropique où la cosse a mûri. Le doigt a sa place dans l'opération : il découvre simultanément, juste avant la fonte, l'exacte charpente du corps-chocolat. Puis la mâchoire se referme. Impérative, mais subtile : c'est dans cet équilibre que vont s'épreouver le savoir-faire, l'expérience, le talent du croqueur ou de la croqueuse de chocolat. Le reste, les effets de langue, les délices plus ou moins prolongées de la déglutition, l'abandon qui suit, ne forment que le couronnement de cet instant royal que je viens de décrire, où la bouche, sauvage et artiste ensemble, a possédé sa proie.
Irène FRAIN