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CLOPIN - CLOPANT
13 janvier 2008

Les cinq doigts de la main - Aloysius Bertrand

Les cinq doigts de la main

Une honnête famille où il n’y a jamais eu de banqueroute, où personne n’a jamais été pendu. La Paternité de Jean de Nivelle.

Le pouce est ce gras cabaretier flamand, d’humeur goguenarde et grivoise, qui fume sur sa porte, à l’enseigne de la double bière de mars.

L’index est sa femme, virago sèche comme une merluche, qui, dès le matin, soufflette sa servante dont elle est jalouse, et caresse la bouteille dont elle est amoureuse.

Le doigt du milieu est leur fils, compagnon dégrossi à la hache, qui serait soldat s’il n’était brasseur, et qui serait cheval s’il n’était homme. Le doigt de l’anneau est leur fille, leste et agaçante Zerbine, qui vend des dentelles aux dames, et ne vend pas ses sourires aux cavaliers.

Et le doigt de l’oreille est le Benjamin de la famille, marmot pleureur qui toujours se brimbale à la ceinture de sa mère comme un petit enfant pendu au croc d’une ogresse.

Les cinq doigts de la main sont la plus mirobolante giroflée à cinq feuilles qui ait jamais brodé les parterres de la noble cité de Harlem.

Aloysius BERTRAND
(1842)
[Gaspard de la nuit]

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  • Plutôt un "carnet" de vie qu'un journal intime! Pépites de lectures, trésors de musique, magie des mots, "tsunami" de sensations, de découvertes, de pistes de réflexion pour mieux cheminer dans ce monde cruel et érodant.
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