Au jardin - Jules Renard
Au jardin
LA BICHE. - Fac et spera.
LA PIOCHE. - Moi aussi.
LES FLEURS. - Fera-t-il soleil aujourd'hui ?
LE TOURNESOL. - Oui, si je veux.
L'ARROSOIR. - Pardon, si je veux, il pleuvra, j'ôte ma pomme, à torrents.
LE ROSIER. - Oh ! quel vent !
LE TUTEUR. - Je suis là. et , si
LA FRAMBOISE. - Pourquoi les roses ont-elles des épines ? Ça ne se mange pas, une rose.
LA CARPE DU VIVIER. - Bien dit ! C'est parce qu'on me mange que je pique, moi, avec mes arêtes
LE CHARDON. - Oui, mais trop tard.
LA ROSE. - Me trouves-tu belle ?
LE FRELON. - Il faudrait voir les dessous.
LA ROSE. - Entre.
L'ABEILLE. - Du courage ! Tout le monde me dit que je travaille bien. J'espère, à la fin du mois, passer chef de rayon.
LES VIOLETTES. - Nous sommes toutes officiers d'académie.
LES VIOLETTES BLANCHES. - Raison de plus pour être modestes, mes sœurs.
LE POIREAU. - Sans doute. Est-ce que je me vante ?
L'ÉPINARD. - C'est moi qui suis l'oseille.
L'OSEILLE. - Mais non, c'est moi.
L'ÉCHALOTE. - Oh ! que ça sent mauvais.
L'AIL. - Je parie que c'est encore l'œillet.
L'ASPERGE. - Mon petit doigt me dit tout.
LA POMME DE TERRE. - Je crois que je viens de faire mes petits.
LE POMMIER, au Poirier d'en face. - C'est ta poire, ta poire, ta poire... c'est ta poire que je voudrais produire.
Jules RENARD
[Histoires naturelles -1894]