Pâques - Émile Verhaeren
Pâques
Au
bord du toit, près des lucarnes,
On a repeint
les pigeonniers,
Et les
couleurs vives vacarment
Depuis les
seuils jusqu'aux greniers.
Et
c'est le vert, le brun, le rouge,
Sur
les pignons, au bord de l'eau,
Et tout cela
se mire et bouge
Dans la Lys,
la Durme ou l'Escaut.
On
bouleverse les cuisines :
Des
mains rudes, de larges bras
Frottent les
antiques bassines,
L'écuelle usée
et le pot gras.
Sur
les linges, les draps, les taies,
Qu'on sèche à
l'air vierge et vermeil,
Pleuvent,
partout, le long des haies,
Les ors
mobiles du soleil.
Là-bas,
au fond des cours, s'allument
Faux
et râteaux, coutres et socs;
Comme de
hauts bouquets de plumes
Sur les
fumiers luisent les coqs.
Pâques
descend sur le village :
Tout est lavé,
même l'égout ;
Et l'on
suspend l'oiseau en cage,
Près de la
porte, à l'ancien clou.
Émile
VERHAEREN
[Les
Plaines]