Aimée d'un chant de rivière - Pierrette Micheloud
Aimée d'un chant de rivière
Aimée d'un chant de rivière
Le givre fond sur tes cils
Ta prison blanche se craquelle.
Je prends mon vol. L'oie sauvage
Des monts ancestraux de la lune
M'a prêté ses ailes.
Je fends les géométries
Que l'école m'apprenait.
Notre planète embellie
De ton rire, perle ou galet
Tes cheveux à claire-voie de l'ombre.
Déjà la main se prononce
Pour une soie non filée.
À l'eau vive l'eau dit ton visage.
Pierrette MICHELOUD
(1920-2007)
1993
[En amont de l'oubli]
"Qu'est-ce qu'aimer ?" questionne le poète. Son parcours lui apprend que c'est avant tout circonscrire la mort, la dissoudre. Pierrette Micheloud, originaire de Vex, village des Alpes valaisannes, suivit des études classiques à Neuchâtel et Lausanne, puis Oxford et Paris. À partir de 1952, elle se partagea entre cette dernière ville et sa Suisse natale. Poète et peintre, elle collabora à de nombreux périodiques et fonda avec Édith Mora le Prix Louise-Labé (1964), dont elle présida le jury de 1985 à 1999. Elle a publié, en un demi-siècle, plus d’une vingtaine de recueils [Tout un jour toute une nuit ; Les Mots, la Pierre ; Elle, vêtue de rien], dont plusieurs ont été récompensés par des prix prestigieux. Au lendemain de sa disparition, survenue en novembre 2007, une fondation portant son nom a été créée, afin de perpétuer son œuvre plastique et littéraire.
"Nature, femme, quête de la conscience" : de ces trois fonds d'inspiration, sa poésie embrasse l'univers d'une voix généreuse et passionnée."L'artisane du verbe", qu'elle se veut être, se révèle dans ces deux vers :
Libérer le chant
De la sclérose des mots.
D'où la vie et la magie qui se dégagent de sa poésie. Dans les Cahiers de la Baule n° 72, la poétesse Andrée Chedid écrit:
"Je la connais fidèle à son destin de poète. Je la sais inscrite dans la simplicité, dans la force, dans l'élan de chaque saison, de chaque jour. Je la devine semblable à ce père qu'elle évoque : Taillant la pierre pour en dégager le vocable transparent."