Vœu - Paul Verlaine
Vœu
Ah ! les oaristys ! les premières maîtresses !
L’or des cheveux, l’azur des yeux, la fleur des chairs,
Et puis, parmi l’odeur des corps jeunes et chers,
La spontanéité craintive des caresses !
Sont-elles assez loin toutes ces allégresses
Et toutes ces candeurs ! Hélas ! toutes devers
Le printemps des regrets ont fui les noirs hivers
De mes ennuis, de mes dégoûts, de mes détresses !
Si que me voilà seul à présent, morne et seul,
Morne et désespéré, plus glacé qu’un aïeul,
Et tel qu’un orphelin pauvre sans sœur aînée.
Ô la femme à l’amour câlin et réchauffant,
Douce, pensive et brune, et jamais étonnée,
Et qui parfois vous baise au front, comme un enfant !
Paul VERLAINE
(1844-1896)
(1866)
[Poèmes saturniens]
... Vous êtes un des premiers, un des plus puissants, un des plus charmants dans cette nouvelle légion sacrée des poètes que je salue et que j’aime, moi le vieux pensif des solitudes. Que de choses délicates et ingénieuses dans ce joli petit livre les Fêtes galantes ! Les coquillages ! quel bijou que le dernier vers !...
Lettre de Victor HUGO
"Je demande à M. Mallarmé quelle place revient à Verlaine dans l’histoire du mouvement poétique."
- C’est lui qui le premier a réagi contre l’impeccabilité et l’impassibilité parnassiennes ; il a apporté dans Sagesse, son vers fluide, avec, déjà, des dissonnances voulues. Plus tard, vers 1875, mon Après-Midi d’un Faune, à part quelques amis, comme Mendès, Dierx et Cladel, fit hurler le Parnasse tout entier... Mais le père, le vrai père de tous les jeunes, c’est Verlaine, le magnifique Verlaine dont je trouve l’attitude comme homme aussi belle vraiment que comme écrivain, parce que c’est la seule, dans une époque où le poète est hors la loi : que de faire accepter toutes les douleurs avec une telle hauteur et une aussi superbe crânerie...
Enquête de Jules HURET
"Marin dorénavant sans la mer, vagabond d’une route sans kilomètres,
Domicile inconnu, profession, pas...,
« Verlaine Paul, homme de lettres ».
Le malheureux fait des vers en effet pour lesquels Anatole France n’est pas tendre :
Quand on écrit en français, c’est pour se faire comprendre.
L’homme tout de même est si drôle avec sa jambe raide qu’il l’a mis dans un roman...
Paul CLAUDEL
La surestimation de Verlaine a été la grande erreur de l’époque symboliste.
André BRETON