Terre en vue - Jean-Marie Barnaud
Terre en vue
Le plus souvent
la joie court sa chance
loin des beautés somptuaires
se nouant impérieuse à vous
soudaine dans le temps gris
où le corps s'époumone
pieds et poings liés et le dos convulsif
Et la voilà chanteuse qui vous dresse
pour presque rien
rendu enfin au vrai labeur
à ce rien de liberté farouche
Et pour un peu on volerait
porté par elle depuis ces traces menues
abandonnées comme autant d'effilures :
un éclat de lumière
sur le vitrage plombé d'un immeuble
un regard dans les reflets d'une vitrine
où la foule tressaute
un visage posé là comme un phare
sur le quai
quand la dernière rame vous arrache
dans les soubresauts d'un voyage sans autre paysage
que sa boucle d'amertume
sans aventure pour les corps terrassés des voyageurs
indifférents à leur propore rumeur
une terre enfin
une Italie
dans ce profil dépris de soi
dépris du temps
comme un dormeur qui s'est confié aux dieux du seuil
Jean-Marie BARNAUD