Je plains le temps de ma jeunesse - François Villon - [IV]
Je plains le temps de ma jeunesse [IV]
Aux grands maîtres Dieu doit bien faire,
Vivants en paix et en recoi ;
En eux il n’y a que refaire,
Et s’en fait bon taire tout coi.
Mais aux pauvres qui n’ont de quoi,
Comme moi, Dieu donne patience !
Aux autres ne faut qui ni quoi,
Car assez ont pain et pitance.
Bons vins ont, souvent embrochés,
Sauces, brouets, et gros poissons,
Tartes, flans, œufs frits et pochés,
Perdus et en toutes façons.
Pas ne ressemblent les maçons,
Que servir faut à si grand peine :
Ils ne veulent nuls échansons,
De soi verser chacun se peine.
En cet incident me suis mis
Qui de rien ne sert à mon fait ;
Je ne suis juge, ni commis
Pour punir n’absoudre méfait :
De tous suis le plus imparfait,
Loué soit le doux Jésus Christ !
Que par moi leur soit satisfait !
Ce que j’ai écrit est écrit.
François VILLON
(1431-1463)
(1489)
[Le Testament]