Je plains le temps de ma jeunesse - François Villon - [I]
Je plains le temps de ma jeunesse [I]
Je plains le temps de ma jeunesse,
Auquel j’ai plus qu’autre gallé
Jusqu’à l’entrée de vieillesse,
Qui son partement m’a celé.
Il ne s’en est à pied allé,
N’à cheval ; hélas ! comment donc ?
Soudainement s’en est volé,
Et ne m’a laissé quelque don.
Allé s’en est, et je demeure
Pauvre de sens et de savoir,
Triste, failli, plus noir que meure,
Qui n’ai ni cens, rente, n’avoir ;
Des miens le moindre, je dis voir,
De me désavouer s’avance,
Oubliant naturel devoir,
Par faute d’un peu de chevance.
Si ne crains avoir dépendu
Par friander ni par lécher ;
Par trop aimer n’ai rien vendu
Qu’amis me puissent reprocher,
Au moins qui leur coûte moult cher.
Je le dis et ne crois médire ;
De ce me puis-je revancher :
Qui n’a méfait ne le doit dire.
François VILLON
(1431-1463)
(1489)
[Le Testament]
Truffes sont vers lui bien venues ;
Quant gens rient, il fault qu’il rie ;
Rougir on ne le feroit mie ;
Contenances n’a point perdues
Qui a toutes ses hontes bues.
Charles d’ORLÉANS
Villon c’est le plus difficile, le plus authentique, le plus absolu des poètes de France. Le moins-que-rien, le réaliste, et en même temps l’universitaire. Et le rêve médiéval, par force, hors de lui.
Ezra POUND
Et nous dirions Vilon comme tout le monde, si François Villon ne s’était prémuni contre notre ignorance en faisant rimer son nom avec couillon.
ARAGON