Tentation dominicale : À lire
Alessandro BARICCO
Soie
Folio-Gallimard N°3570
1996 / 145 p.
« Ceci n’est pas un roman. Ni même un récit. C’est une histoire. » Elle commence avec un homme qui traverse le monde et finit avec un lac qui est là, dans les journées du vent. L’homme s’appelle Hervé Joncour. Le lac, on ne sait pas. On pourrait dire que c’est une histoire d’amour. Mais, si c’est seulement ça, ça ne vaudrait pas la peine de la raconter. Il y aussi dans cette histoire des désirs et des souffrances, de celle qu’on connaît parfaitement, mais le vrai nom pour les dire, on ne le trouve jamais. Et de toute façon, ce n’est pas amour . De son héros, l’auteur écrit : « c’était au reste un de ces hommes qui aiment assister à leur propre vie, considérant comme déplacée toute ambition de la vivre ». En 120 pages brèves d’une remarquable fluidité, BARICCO nous raconte les affres de l’économie cévenole en cette fin du XIXème siècle et l’histoire d’amour subtile et complexe d’un homme pris entre deux femmes, deux modes de pensées, deux langages, deux rives du temps. Il y a dans cette histoire un mouvement intérieur, une construction simple et savante à la fois, toute en variations, en reprises à peine décalées d’une même phrase qui relève de l’écriture musicale en général et de celle de la fugue en particulier. Toutes les histoires ont leur musique : celle-ci a une musique blanche. C’est une drôle de musique, déconcertante quelquefois, elle se joue doucement, elle se danse lentement. Quand elle est bien jouée, c’est comme si on entendait jouer le silence, et ceux qui la dansent comme des dieux, on les regarde et on a l’impression qu’ils ne bougent pas. C’est terriblement difficile, la musique blanche… BARICCO a réussi la synthèse entre la force poétique du haïku, la grâce désespérée de la fugue et la sereine sensualité du roman.