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CLOPIN - CLOPANT
25 août 2007

Travail et loisir - Muze15

Travail et loisir

    C'est une banalité d'observer que la conception du travail a souvent varié au cours de l'histoire et d'une civilisation à l'autre. Cependant, à travers ces variations, on retrouve toujours dans la notion de travail une ambiguïté ou une ambivalence fondamentale : le travail est en effet perçu tout à la fois comme quelque chose de positif et de négatif.

Dans le judaïsme, par exemple, le travail témoigne de la grandeur de l'homme, de son effet constant à combattre et à maîtriser une terre, une nature souvent ingrate : par le travail, l'homme se fait créateur comme le Dieu dont il est l'image, mais simultanément le travail est une malédiction divine, un châtiment de la désobéissance humaine.
De même, dans les sociétés occidentales contemporaines, le développement d'une civilisation des loisirs marque un désir de se libérer du fardeau du travail, et pourtant celui-ci reste prôné comme une valeur essentielle.
On comprend certes aisément la valeur négative du travail : le travail réclame un effort, il est une peine que la nécessité d'assurer sa subsistance impose à l'homme.
Mais d'où vient qu'il reste une valeur positive alors même que les apports de la technologie permettent d'envisager que dans un proche avenir l'homme ne sera plus contraint de travailler ?
Ne serait-ce pas parce qu'en réalité tout travail "travaille" à faire un homme en même temps qu'une chose ?

Le mot loisir vient du latin licere "être permis". Il désigne un temps pendant lequel les activités sont librement choisies, et s'oppose en cela au temps contraint, consacré à des activités nécessaires.
Dans les sociétés développées actuelles, le temps consacré au travail ne cesse de diminuer, mais qu'en est-il du temps ainsi "libéré" ?
Le problème principal tient à la relation entre le travail et le loisir, c'est-à-dire aux effets du travail sur le loisir. Les sociologues ont constaté la volonté d'utiliser le loisir pour se livrer à des activités qui permettent d'échapper aux limites imposées par le travail. Mais plus fondamentalement encore, le travail influe sur le loisir quant aux modalités d'utilisation du temps. La règle première du travail utile est la rentabilité du temps, en effet si la valeur d'un produit est fonction du temps de travail qu'il a demandé, la règle essentielle du travail est de ne pas perdre de temps.
Dans le loisir, la première règle devrait être, tout au contraire, la possibilité de "perdre du temps". Or les multiples activités qui occupent les loisirs sont l'indice d'une volonté de ne pas perdre de temps. En ce sens le modèle "productif" s'impose y compris au temps libre !

L'Antiquité faisait l'éloge du loisir qui est l'otium, état de paix correspondant au dégagement des soucis inhérents aux activités professionnelles et à l'absence de contrainte temporelle.
Pour Aristote, par exemple, cet état d'exemption de travail est nécessaire à l'homme se livrant à la réflexion philosophique et aux exigences éthiques. L'otium n'est donc pas le temps du désœuvrement, mais celui du développement intellectuel et moral de l'homme.
L'oisiveté, en revanche, qui se réduit à "ne rien faire" a été généralement condamnée [l'oisiveté, dit-on, est « mère de tous les vices », tandis que le travail serait source de moralité] depuis le Moyen Age jusqu'au XIXème siècle. Songeons à la critique portée contre elle par Saint Thomas d'Aquin, par Thomas More dans son Utopie, ou par Voltaire qui écrit : « Il vaut mieux mourir que de traîner dans l'oisiveté une vieillesse insipide. Travailler, c'est vivre ». Il faut attendre Paul Lafargue qui réhabilitera le "loisir-oisiveté" dans son Droit à la paresse (1882).
On assiste aujourd'hui à une défense et à un développement du loisir, ou plutôt des loisirs, lesquels englobent toutes les activités ou la non-activité du "temps libre ", c'est-à-dire du temps dégagé des activités professionnelles. Nous pouvons nous demander si ce "temps libre " est bien le temps de notre liberté ?

Le "temps libre", ou le "temps du loisir", constitue le cadre du développement personnel et de l'expression de soi. L'importance croissante de l'automatisation du travail dans la civilisation technicienne accroît la nécessité de placer le centre d'accomplissement de l'homme dans un loisir actif. Au couple travail-nécessité correspond celui du loisir-liberté. « Pour des milliers d'hommes et de femmes, écrit Friedmann, l'activité du travail gagne-pain n'a pas de valeur enrichissante et équilibrante. Pour ceux-là, la réalisation de soi et la satisfaction ne peuvent être cherchées que dans les activités de loisirs et plus précisément dans le temps-libre, progressivement accru par la réduction de la semaine de travail ». Ainsi toute activité peut être du loisir. Celui-ci n'est pas caractérisé par son contenu, mais par la relation que l'individu entretient avec son activité.
Le loisir au sens moderne du terme n'est donc pas un simple repos, une halte dans l'activité laborieuse, ni un désœuvrement. C'est essentiellement une activité libre où l'homme trouve un épanouissement, une échappée hors du monde aliénant du travail. Dans ces conditions, le loisir apparaît comme l'espace où l'homme peut enfin se reconnaître lui-même.
Mais les loisirs comme cadre de réalisation de soi ne sont-ils pas une illusion ? Si les loisirs se veulent hors du monde du travail, ils ne se situent pas hors de l'activité économique, ils en sont au contraire le produit direct !
Muze15

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  • Plutôt un "carnet" de vie qu'un journal intime! Pépites de lectures, trésors de musique, magie des mots, "tsunami" de sensations, de découvertes, de pistes de réflexion pour mieux cheminer dans ce monde cruel et érodant.
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