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CLOPIN - CLOPANT
15 mai 2007

L'annonce à Marie : retour sur un tragique fait divers - Muze15 - [I]

L'annonce à Marie : retour sur un tragique fait divers

Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent, ce sont ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front, ceux qui d’un haut destin gravissent l’âpre cime.
Victor HUGO

L'offense faite à Marie Trintignant. Violence et passion. C'est l'histoire de son amour pour Bertrand Cantat, le chanteur de Noir Désir. « J'ai envie de tendre la main à mes personnages quand ils sont au bord du gouffre, de les sauver et, si c'est impossible, je saute avec eux …» Marie Trintignant avait l'habitude de jouer des rôles tourmentés de femmes, victimes d'elles-mêmes, de la société ou … d'un homme. Mais la réalité a rejoint la fiction, comme dans un mauvais film. Depuis six mois, Bertrand Cantat et la comédienne s'aimaient d'un amour fou, possessif, et certainement jaloux. Ils s'étaient croisés sur l'un de ses tournages, durant cet hiver 2003. Ils ne s'étaient jamais vus auparavant.
Coup de foudre instantané, immédiat, violent. Si violent que le chanteur s'arrache du cocon qu'il avait construit avec Christina, sa compagne, mère de ses deux enfants. Il la quitte peu de temps après la naissance de leur fille, Alice, en févier. Pour vivre pleinement un amour qu'il sait inévitable. Les affres de cette histoire aussi folle que brutale, Bertrand les a évoquées à demi-mot dans « L'expérience des limites », un livre d'entretiens avec Dominique-Emmanuel Blanchard et Jean Yssev (éd. Le Bord de l'eau). « Dans la passion, il y a toujours un côté obscur, violent et tumultueux, alors que, dans sa relation avec Marie, Bertrand voyait de la lumière et de l'oxygène. Pour lui, la passion doit être flamboyante » estime un des deux auteurs. Et sans tricherie. Pas question de vivre une double vie. Bertrand et Marie s'étaient installés ensemble assez rapidement, dans un appartement parisien. « Ce sont deux tempéraments, l'actrice un peu ténébreuse et le garçon tumultueux. Bertrand se donne entièrement, il déteste le tiède et a toujours fait preuve d'une grande générosité » continue Dominique-Emmanuel Blanchard. Entre eux, l'entente est fusionnelle, ils ne peuvent se passer l'un de l'autre. Alors Bertrand met de côté ses obligations et part, début juin, rejoindre Marie en Lituanie. À Vilnius, Marie tournait « Colette », un téléfilm pour France 2 sur la vie de la romancière, l'histoire d'une femme libre qui avait fait de ses passions une œuvre. Le rocker se sent bien au sein du clan Trintignant. Car ce tournage, commencé le 26 mai, est une histoire de famille : Nadine, derrière la caméra ; Vincent, le frère de Marie, premier assistant ; Roman, son fils aîné, comédien débutant ; Léon et Jules, les petits derniers de Marie, dans les coulisses. Marie semble satisfaite, mais elle ne cache pas son ennui en dehors des plateaux et son désir de retrouver la France : « C'est un pays triste, les jeunes manifestent peu d'enthousiasme ». Dans ces moments de solitude, Bertrand la soutient.
Elle aimait le silence, la nature et Schubert, mais c'est un être survolté qu'elle a choisi pour compagnon. Figure de proue du célèbre groupe rock "Noir Désir", Cantat en est le chanteur et le parolier. À 39 ans, c'est déjà un mythe, que beaucoup comparent au sulfureux Jim Morrison, des Doors. Même talent, même rage : « Dieu est mort, Nietzsche est mort, prends ma main, camarade, j'en ai besoin », clamait-il sur scène en 2002. Ses proches le disent authentique, exigeant et généreux. À Nadine et Jean-Louis, Marie a fait, à de nombreuses reprises, le plus joli des compliments : « S'ils n'étaient pas mes parents, j'aurai eu envie de les connaître. » En dépit de leur divorce, en 1976, ils ont su garder une tendre complicité qui leur a permis de former ce que Nadine appelle « une fausse famille, un peu compliquée, mais chaleureuse ». Donnant ainsi à Marie l'envie de fonder la sienne, vraie, avec ses quatre garçons – Roman, Paul, Léon et Jules -, né de trois pères différents. De ses parents, elle a aussi reçu le talent en héritage. « Les chats ne font pas des chiens », a-t-elle dit. Alors pour elle, pas question de changer de nom, même s'il n'est pas toujours facile d'exister à part entière quand on est fille d'un acteur et d'une réalisatrice célèbres.
C'est à l'âge de quatre ans qu'elle fait sa première apparition au cinéma, dans « Mon amour, mon amour », réalisé par sa mère, Nadine. Non pas des débuts à la Shirley Temple, mais une courte apparition dans les bras de son père. Assez pour lui inoculer un virus bien familier, puisqu'en plus de ses parents, il a touché ses oncles, Serge et Christian Marquand.
Six ans plus tard, toujours avec Maman, c'est « Défense de savoir ». « Un vrai rôle. Mais je n'avais pas encore le désir de jouer », se souvient-elle. La jeune fille à la douceur magnétique est d'une timidité maladive, elle se définit elle-même comme une « ex-muette ». « Je ne pouvais parler qu'à mes proches. J'étais une blessée. J'ai été tellement entourée d'amour, de tendresse que, quand je suis entrée dans le monde, je n'avais aucune défense. » À l'adolescence, Marie se perd dans une dépression dure et longue : « Je crois que j'ai été trop jeune confrontée à la mort. J'avais 7 ans quand ma petite sœur est morte. Après, on a tendance à trouver tout inutile. » La petite sœur s'appelait Pauline, elle s'est étouffée à 9 mois après avoir bu son biberon. De cette première épreuve, Nadine a tiré le film « Ca n'arrive qu'aux autres », sorti en 1971. Marie a encaissé le traumatisme. En silence. Jamais elle ne pensera au suicide : « Je n'aurais pas pu causer cette peine à mes parents. J'ai fumé des pétards, mais rien de bien méchant. Même malheureuse, j'ai toujours eu envie de vivre. » Pour faire quoi ? Dans un premier temps, s'occuper des animaux. Elle veut devenir vétérinaire. Mais le cinéma l'a rattrape encore. Son beau-père, Alain Corneau, cherche une débutante pour affronter Patrick Deweare dans « Série noire ». Marie s'impose, tout en mutisme. Expérience douloureuse. « Je pensais : si c'est ça la comédie, dans deux ans je suis morte. » Elle a 18 ans, c'est pourtant le déclic. Sa mère s'inquiète quand Marie décide de devenir comédienne : « J'ai commencé par refuser, parce que je trouvais ce métier bien déséquilibrant. » Timide mais opiniâtre, la jeune fille saura se protéger et, surtout exprimer avec un art tout personnel une carrière d'actrice éblouissante. Comme son père... Avec Jean-Louis, une complicité presque physique, une connivence parfaite s'établissent. « Il a été un père merveilleux. Un père amoureux. » Cet homme, elle l'aime tant qu'elle décide en 1990, de s'installer tout près de chez lui, à côté d'Uzès, dans une ancienne bergerie. Son compagnon de l'époque, l'acteur François Cluzet, l'y retrouve dès qu'il peut, elle, et Roman, fruit de ses amours avec le batteur du groupe Téléphone, Richard Kolinka, et leur petit Paul qui voit le jour en 1992. Si ce n'est pas le bonheur, alors cela y ressemble. Vivre loin de Paris, du stress, la comble et ne l'empêche pas de s'épanouir professionnellement. Elle est formidable dans le rôle d'une grande bourgeoise alcoolique délaissée dans « ßetty » de Chabrol, en 1992. Elle va devoir quitter sa belle campagne pour le bien-être de ses garçons, qu'elle scolarise définitivement dans la capitale. « Je subis Paris. Je me nourris mieux en ramassant les olives », a-t-elle coutume de répéter, un tantinet nostalgique. Les projets s'enchaînent, avec Pierre Salvadori, Claude Chabrol, Bernie Bonvoisin, Alain Corneau ou Samuel Benchetrit, avec qui elle venait de tourner « Janis et John », inspiré de la vie de la rock star Janis Joplin. Son dernier coup de cœur ? la chanson. Marie prévoyait d'enregistrer un disque avec Thomas Fersen. Pour vivre à plein la musique. Elle qui fredonnait souvent le texte de Jacques Brel, « Aimer jusqu'à la déchirure […] / Tenter, sans force et sans armure / D'atteindre l'inaccessible étoile, / Telle est ma quête, / Suivre l'étoile […] / Se damner pour l'or d'un mot d'amour ».
. « J'ai adoré la passion. Maintenant j'aime l'amour qui peur durer davantage parce qu'on ne brûle pas des choses. On les construit. Mais j'aime bien les brûlures », disait-elle à propos de son mari Samuel Benchetrit, un auteur de théâtre épousé en mai 1997. Vaine parole. Marie s'est brûlée à nouveau. Dans la vie comme dans ses rôles, on sent en elle une fêlure, un malaise jamais surmonté. Elle a beaucoup donné dans les rôles de femmes perturbées au destin tragique. Le mystère qu'elle inspire, sa voix grave et troublante, son regard fixe et lointain, embué aussi, ses yeux de chat, tout contribue à faire d'elle une actrice atypique.

Muze15

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salut
CLOPIN - CLOPANT
  • Plutôt un "carnet" de vie qu'un journal intime! Pépites de lectures, trésors de musique, magie des mots, "tsunami" de sensations, de découvertes, de pistes de réflexion pour mieux cheminer dans ce monde cruel et érodant.
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