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CLOPIN - CLOPANT
13 avril 2007

Retour du religieux ? - Muze15 - [III]

Retour du religieux ?

[III]

Puisque cette réappropriation emprunte le cas échéant des voies fondamentalistes, peut-on parler, à son sujet, d’un vrai retour du religieux ? La grande différence avec l’Occident est qu’on a affaire à des tentatives qui se proposent explicitement de redonner à la religion son rôle englobant traditionnel. Mais la ressemblance avec l’Occident est qu’elle font le contraire, en pratique. La soi-disant restauration de l’autorité du religieux débouche sur la modernisation des consciences. Elle rompt, malgré elle, avec le fonctionnement des religions traditionnelles qu’ont pour trait fondamental de faire passer la communauté, la coutume, la loi reçue des ancêtres avant la croyance individuelle. Or la croyance individuelle est précisément la dimension nouvelle qu’introduisent les militants de l’islam radical, par exemple. En voulant retrouver l’islam d’origine contre sa corruption présente, ils fabriquent un nouvel islam qui n’a rien à voir avec sa tradition. Et ce faisant, ils fabriquent de l’individu. C’est en Iran toujours que le phénomène est le plus frappant depuis l’éviction du Chah. Vingt ans de révolution religieuse ont sapé de l’intérieur la religiosité traditionnelle, désormais privée d’emprise sur la masse de la jeunesse éduquée. Derrière l’apparent retour de la religion au premier plan, se dissimule le travail continu de la modernisation. Il peut prendre des formes tératologiques, mais ses embardées régressives n’équivalent pas pour autant à un retrait de la modernité. Il y a bien quelque chose comme une histoire mondiale. Au Sud comme au Nord, l’arrachement à la tradition religieuse suit son cours inexorable.
Si, comme le pensaient les kamikazes du World Trade Center, l’Occident détient le monopole de la puissance, il n’y a pas d’autre voie que de s’emparer de sa puissance et la retourner contre lui. Les révolutions conservatrices sont emportées dans un processus interminable de mimétisme. Leur rejet du Nord est un cannibalisme. Il n’est jamais, en définitive, qu’au service d’une appropriation.
Cette dialectique radicale n’est-t-elle pas spécialement à l’œuvre dans l’Islam parce que ce dernier rejette théologiquement le monde ? L’islam est-il inspiré par l’hostilité au monde ? On pourrait tout aussi bien plaider l’inverse. Dans cette religion de la soumission à Dieu, le monde donné de Dieu s’impose dans son évidence et il est à prendre comme tel. Bien que doté d’une mystique, l’islam est dépourvu de la dialectique chrétienne du dehors et du dedans.
Y a-t-il, dans l’histoire de l’islam et non dans son seul dogme, un terrain favorable au développement d’un rapport ambivalent avec l’Occident ? La position chronologique de l’islam dans l’histoire de l’avènement des monothéismes est, en effet, d’une importance déterminante pour son identité. Il arrive en dernier lieu après le judaïsme et après le christianisme. Il est l’aboutissement d’un travail de la révélation, le sceau de la prophétie. D’où une assurance renforcée par le fait qu’avec lui, c’est la parole même de Dieu qui vient aux hommes par l’intermédiaire du prophète, rendant inutile et vaine toute spéculation sur la teneur ultime de son message.
L’actuel désenchantement à l’égard de la politique, conséquence ultime de la sortie de la religion, est-il le phénomène terrible que nous dépeignent certains républicains ?Je ne le pense pas. Une démocratie qui a désacralisé la politique peut devenir au contraire plus éclairée et plus satisfaisante pour ses citoyens qu’une démocratie travaillée par des pulsions révolutionnaires ou ultra-réactionnaires. L’enchantement de la politique a été le cauchemar du XXe siècle. C’est effectivement très mobilisateur, enivrant sans doute pour certains individus. A l’époque de la politique enchantée, on avait en pratique un débat très pauvre, fait d’affrontements stéréotypés. À rebours, la politique désacralisée va permettre, à terme, de faire porter la délibération collective sur ses objets réels. Elle sera plus prosaïque mais plus consistante. Une exigence de participation de la société au débat vrai se fait jour, petit à petit. Le meilleur signe en est fourni par le rejet de la démagogie qui monte. C’est l’un des aspects de la « fracture politique ».
Les hommes publics sont souvent loin de se douter du scepticisme ravageur que leur discours rencontre chez les citoyens. Le problème est que pour donner sa traduction positive à cette disposition, il faut un personnel politique capable de la porter. Pareille naissance ne se programme pas. Mais rien ne dit que les démocraties désenchantées sont incapables de ce miracle profane.
Muze15

 

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  • Plutôt un "carnet" de vie qu'un journal intime! Pépites de lectures, trésors de musique, magie des mots, "tsunami" de sensations, de découvertes, de pistes de réflexion pour mieux cheminer dans ce monde cruel et érodant.
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