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CLOPIN - CLOPANT
11 avril 2007

Retour du religieux ? - Muze15 - [I]

Retour du religieux ?

[I]

Par certains aspects, nous pourrions croire à un retour du religieux. En fait, c’est le contraire qui est vrai. Nous vivons l’opposé d’un retour du religieux. Nous subissons plutôt les effets paradoxaux d’une sortie de la religion. Il convient de distinguer dans ce domaine deux cas de figure complètement différents. Le cas américain est celui d’une société ultramoderne, restée toutefois religieuse. Cela, parce que, d’entrée, la pluralité des dénominations religieuses a imposé l’alliance de la croyance avec la liberté. En Europe, le phénomène frappant, en dehors d’exceptions périphériques – l’Irlande, la Pologne, la Grèce – c’est l’accélération de la débandade des Eglises et des magistères spirituels. Il n’y a plus d’autorité religieuse en Europe mais une vaste émancipation des gens mêmes qui se réclament de la croyance, par rapport à la cléricature dans son ensemble. De très nombreux jeunes sont désormais élevés en dehors de toute référence religieuse. Ce recul a des conséquences politiques profondes. L’insertion des croyants dans l’espace démocratique posait, il y a encore cinquante ans, un problème philosophique qui est aujourd’hui entièrement résolu. Le principe métaphysique de la démocratie, c’est-à-dire l’indépendance de l’homme, ne représente plus un défi insupportable pour la conscience chrétienne.
Le catholicisme, après avoir maintenu très longtemps son refus, s’est rallié à son tour à la libre discussion de l’ordre collectif. Il s’est départi de ce qui subsistait en lui de l’inspiration immémoriale des religions. Il a abandonné l’idée d’un ordre divin et d’une économie substantielle de la société humaine ordonnée aux fins du salut. C’est cette rupture qui justifie de parler d’une « sortie de la religion ». Il faut mesurer sa portée, par rapport aux sociétés du passé qui s’organisaient selon la dépendance sacrale. La démocratie a absorbé la conscience religieuse. On peut être bon chrétien et démocrate avancé. L’opposition des catholiques à la République, qui motivait l’anticléricalisme, n’existant plus, ce dernier est devenu lui-même une survivance ringarde . Plus profondément, la politique ne peut plus être magnifiée comme une alternative à la religion.
On observe la concomitance troublante de deux reflux : celui de la religion et celui du politique. Le camp religieux traditionaliste et le camp laïc émancipateur s’affaiblissent de concert. Privée de son vieil ennemi autoritaire, la cause de la liberté a cessé d’être une religion de substitution censée apporter des réponses aux problèmes moraux et spirituels. La politique reste une chose très importante, mais elle n’est plus porteuse de valeurs ultimes. Sa tâche se limite à assurer la coexistence entre les personnes, en redistribuant les biens, en prémunissant les citoyens de l’insécurité. On n’attend plus de la politique la réalisation des fins dernières de l’existence. Le reflux du politique se superpose ainsi à l’effacement du religieux. Ce double retrait crée par soustraction un espace intellectuel propice au déploiement d’interrogations que la chose collective ne peut prendre en charge et qui sont renvoyées aux consciences individuelles.
Muze15

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  • Plutôt un "carnet" de vie qu'un journal intime! Pépites de lectures, trésors de musique, magie des mots, "tsunami" de sensations, de découvertes, de pistes de réflexion pour mieux cheminer dans ce monde cruel et érodant.
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