La plus que vive - Christian Bobin - [Livre]
Christian BOBIN / LA PLUS QUE VIVE / Folio-Gallimard / 1996
Les œuvres de Christian BOBIN sonnent souvent comme des prières. Encensé par un large public d’inconditionnels, fustigé par quelques farouches détracteurs, le caractère quasi religieux de cette prose limpide, aérienne, s’épanouit librement dans ce court récit. Oraison funèbre, “tombeau” à la manière des poètes de la Renaissance, on n’y trouve pourtant nulle trace de ténèbres : BOBIN chante son amie morte – emportée par une rupture d’anévrisme à quarante-quatre ans - tel un rossignol, à pleine gorge et en plein soleil. Il fouille ébloui les sources de son amour, scrute l’éclat transparent de la mort, en effleure la vitre infranchissable – du bout des doigts toujours, du bout des lèvres. L’auteur ranime des moments vécus ensemble et réussit à faire de cette histoire très personnelle, pudiquement racontée, quelque chose d’universel. Par le verbe réputé bienfaisant, ce récit d’un deuil suscite l’émotion grâce à des enchantements qui apaisent l’arrachement et la souffrance. « Je t’aime Ghislaine, il est hors de question de mettre cette parole à l’imparfait, les fleurs sur la tombe de St Ondras, en Isère, ont fané une semaine après l’enterrement, je t’aime, cette parole reste vive et le temps de la dire couvre le temps entier d’une vie, pas plus, pas moins ». Un nouveau sourire nous surprend à chaque page : « Tu meurs à 44 ans, c’est jeune. Aurais-tu vécu mille ans, j’aurai dit la même chose : tu avais la jeunesse en toi, pour toi. Ce que j’appelle jeune, c’est vie, vie absolue, vie confondue de désespoir, d’amour et de gaieté. Désespoir, amour, gaieté. Qui a ces trois roses enfoncées dans le cœur a la jeunesse pour lui, en lui, avec lui ». Avec une grâce, une sincérité détachée de tout effet, il crée un texte fort, tout de blancheur et de neige, comme une page déchirée, vibrante de lumière. Ce n’est pas un livre triste ou nostalgique, c’est un véritable hymne à la vie, magnifié par la plume d’un auteur qu’il faut absolument lire.
Muze15